Et puis, un album imaginaire que signe Icinori, le duo d’artistes Mayumi Otero et Raphaël Urwiller. Un album empli de curiosités, teinté de surréalisme, qui invite à s’immerger dans un univers onirique et à l’expérimenter sous différents angles narratifs.
Et puis est comme un mirage : il intrigue et déroute. Et puis est spectaculaire aussi : il est mise en scène(s) et opus chorégraphique. Se déployant sur de grandes doubles pages, douze tableaux composent ce qui se donne à voir comme une grande épopée fantasmagorique où l’homme, la bête et le mythe semblent se côtoyer de façon presque ordinaire. Ici avec allégresse ou nonchalance, à certains moments douloureusement ou de manière conflictuelle. Chaque tableau, épinglé d’un médaillon représentant un mois de l’année en particulier, déroule progressivement un paysage, agencé et modulé par cinq personnages à la tête bien « outillée » et la combinaison de type aérospatial. Que sont ces drôles d’êtres masqués qui s’agitent dans chaque tableau qui font et défont la scène ? Des architectes-bâtisseurs-scénographes-régisseurs du livre-spectacle ; des horlogers saisonniers qui font sempiternellement tourner le monde douze mois d’affilée ; ceux qui forgent la mécanique du temps, organisent et facilitent non sans effort la marche du monde ; ceux qui constamment harmonisent les composantes d’une histoire disparate et lui donnent une dimension de fable chorale.
Muette pourtant, cette fable décalée se dévoile peu à peu. Elle débute par un prologue : une plongée dans une forêt densément touffue de laquelle surgissent des ombres aux formes géométriques qui fixent le spectateur-lecteur. Une fois le rideau levé, tout un flot vital est impulsé à la scène, les ombres se font entreprenantes – les personnes masqués évoqués ci-avant –, la forêt semble s’animer… se découvrir même, pour laisser place à un monde des plus singuliers, truffé de saynètes insolites, de figures irréelles, d’éléments saugrenus et d’êtres bizarroïdes. Zou-an Le Pédalo, Pokopokopo, The Yokai Jazz band, la Tortue Caillou, Tic Tac le lapin, Molly La Montagne, Les Quatre Grands Hommes-Montagne, Bouh le timide, Squik, Minot & Nainai, Vénus, David Okny (!), les voyelles A E I O U aussi,… : ce sont là quelques-uns des noms ubuesques – s’affichant dans la galerie de portraits en fin du livre – qui sont conférés au petit peuple enflammant la galaxie Icinori. Ils s’y côtoient les uns les autres, glissent, chutent, vagabondent, volent, se cognent, piaillent, bricolent, virevoltent, s’évadent, détonent, se rassemblent… jusqu’à s’équilibrer dans une finale mélodieuse et ordonnée. Qui pourrait bien être le début d’une multitude d’histoires fantastiques.
Brigitte Van den Bossche