Située sur la Côte Atlantique, la Nouvelle Ecosse est une petite province canadienne dont le sous-sol est très riche : du fer, du zinc, du cuivre et surtout du charbon. C’est dire que les mineurs y sont nombreux. Les fils succèdent aux pères, mineurs de fond sous la mer, de génération en génération. C’est de ce pays-là où ont vécu l’auteure et l’illustrateur, Joanne Schwartz et Sydney Smith, que nous vient « D’ici, je vois la mer », un album publié chez Didier, l’année dernière.
Nous sommes dans les années cinquante, un garçon âgé d’une petite dizaine d’années raconte son quotidien entre jeux, songeries et menus services rendus à sa maman. Tout en regardant la beauté du paysage maritime et ses superbes variations de lumière, il pense à son papa qui, tout au fond dans la mine, creuse et défie le danger pour extraire le charbon. Le soir, dans son lit, s’il se souvient des belles journées d’été, il s’interroge sur un avenir qui semble tout tracé. A la concision du texte traduit musicalement par Michèle Moreau répondent des images qui explicitent le non-dit de la narration, renforcent les émotions, traduisent l’atmosphère tantôt légère, tantôt lourde de sous-entendus, comme dans cette double page où l’on constate qu’un éboulement vient de se produire, dans les profondeurs de la mine. Texte et images se fondent dans un rythme contrasté : d’une part, la clarté du jour, les reflets du soleil sur la mer, la poésie des choses simples et, d’autre part, le noir écrasant, menaçant des galeries souterraines où peinent les mineurs. Le format adopté permet de larges ouvertures sur l’étendue marine, sur les plissements charbonneux, il permet également de superbes découpages qui collent aux mouvements du récit. Qu’il suffise d’évoquer les six vignettes qui forment la séquence de la balançoire. On comprend que cet album a été couvert de prix : New York Times Best Illustrated Book, Boston Globe-Horn Book Honor Book, Bank Street College of Education Best Children’s Books of the Year… On se réjouit de le voir figurer dans la sélection 2021 du Prix Bernard Versele.
Michel Defourny