Lola va bientôt fêter ses dix ans quand, à la veille de la rentrée des classes, la foudre tombe sur sa famille : son père quitte sa mère. « Personne n’a senti l’orage couver » et Lola de sentir qu’elle perd « quelque chose qu’elle ne retrouverait plus jamais ».
Lola est forte mais les kilos de chagrin pèsent si lourd ! Pourra-t-elle les porter sans tomber ? Trois anniversaires se succèdent, les nouvelles paires de baskets aussi… pour courir, courir, courir – comme si elle voulait remonter le temps -, la première chute à vélo, le premier zéro, le premier petit copain, les vacances à la mer, les câlins, la fin de l’été, l’après-midi maudit….
Comment Lola, dans ce temps délicat entre enfance et adolescence, va-t-elle traverser l’orage qui ébranle sa vie, leur vie de famille ? « Lola est forte (…) est sportive » : la course à pieds, indissociable de la cadence, de l’endurance, de la persévérance, et la volonté d’aller chercher ses dernières réserves pour finalement se dépasser… voilà les ressources mobilisées par Lola pour continuer son chemin. « Sa »musique, celle de la rappeuse Keny Arkana, fait résonner en elle le rythme de la course – et la rage peut-être.
En phrases simples et directes, le texte colle au ressenti de Lola ; mais l’emploi de la 3e personne, par la distance ainsi posée, évite la sensiblerie. Les métaphores de l’orage ou des baskets, de même que deux passages de chansons, permettent d’exprimer une charge émotionnelle intense tout en conservant beaucoup de pudeur. Le rythme et les répétitions de mots s’alignent sur le tempo de la course.
Le choix de certains mots me paraît particulièrement fort. Ainsi quand l’orage éclate au début de l’histoire, Lola « a senti », « ne l’a pas compris », « mais elle l’a su« . Sentir, comprendre, savoir : l’auteure exprime avec subtilité différentes manières de percevoir la réalité et comment l’intuition peut relayer la raison.
Les illustrations de Geneviève Casterman sont intégrées au texte et en accentuent le rythme. En noir, blanc et gris, en pleine page ou en vignettes successives, elles sont sobres et dépourvues de décors ; seuls certains vêtements se détachent en couleur rouge pleine de vie. La gestuelle comme celle de tendresse avec le chat, ou les attitudes de Lola qui court, sont très expressives.
Un très bel album édité chez Esperluète avec, comme toujours chez cette éditrice, le plus grand soin dont font preuve les amoureux du livre : choix de la typographie, du papier, de la couverture, et de la reliure cousue.
Chantal Cession