De nos jours, la compétition est partout, en musique et en chanson, en danse comme en cuisine, en lecture même … Elle l’est particulièrement dans les sports, foot, cyclisme, athlétisme… Radio et télévision assurent les reportages et les dramatisent. Les journalistes en leur studio tiennent le public en haleine tandis que des experts pérorent. De leur côté, très souvent, les organisateurs multiplient les difficultés, les pièges et les embûches car le sensationnel est de rigueur.
Chez les braves Jean, c’est le jour « J ». 3721 candidats s’apprêtent à relever le défi de La Grande Course. Les champions se sont entraînés. Quels seront les meilleurs et qui franchira le premier la ligne d’arrivée ?
Parmi les chéris du public, on reconnaît Jean-Johnny à l’allure de lièvre, passionné de guitare et idole des jeunes, Jean-Raoul le puissant éléphant vert, Jean-Gérard probablement la tortue la plus rapide du monde, Jean-Maurice qui aura du fil à retordre et tombera dans un trou … Si la lutte paraît sans merci, si les chutes, rechutes et les carambolages font frémir lecteurs et auditeurs, il arrive que l’entraide cède la place à la rivalité.
Ce jour-là, oh là là, à la surprise générale, la Grande Course s’est achevée de façon totalement inattendue : après autant d’efforts, les Jean ont bouleversé les codes de la course ! Ils ont dédaigné la ligne d’arrivée, renonçant au parcours imposé pour inventer le leur : ils ont préféré danser, sourire, pique-niquer et chanter « la ballade des Jean heureux ».
Quelle jubilation à l’écoute des journalistes sportifs qui, sous la plume de Clémence Sabbagh, commentent en direct les péripéties de la course mise en scène par Magali Le Huche dans un reportage quasi télévisuel où alternent de grandes images spectaculaires semblables à des prises de vues aériennes et une succession de plans rapprochés, façon bande dessinée avec dialogues en bulle. On ne peut que célébrer l’art avec lequel Magali Le Huche a créé chacun des personnages, qu’il s’agisse de l’expression de leur visage, de leur gestuelle, de leur agilité, de leur tenue. Remarquables, le traçage du mouvement et le rendu de la vitesse ! On pense à Quentin Blake tant la vie anime le trait, tant la couleur est épatante. Dans cet album paru aux éditions Les Fourmis Rouges, tragique et comique se côtoient tandis que le texte bourré de jeux de mots et de clins d’œil amusera petits et grands invités à réfléchir à une « autre » quête du bonheur.
Michel Defourny