Il était deux amis, très différents l’un de l’autre. Lapin était casanier et rêveur. Il vivait dans son champ en bordure de route, une route qu’il n’avait jamais empruntée. Par contre, Chien, grand amateur de moto, avait sillonné le pays en tous sens. Celui-ci racontait à son ami les endroits où il s’était senti le plus vivant, où il avait hurlé à la lune. Sans se lasser, le motard tentait, dans ses histoires, de convaincre Lapin de sortir de chez lui pour ressentir le plaisir de la découverte.
Un triste jour, il n’y eut plus que le silence, à la suite de l’irréversible disparition de Chien. La solitude accabla Lapin qui se demandait quoi faire de cette moto dont il avait hérité et devenue désormais inutile.
Passent les saisons, s’envolent les feuilles et les oiseaux, tombe la neige, puis refleurissent les fleurs… Les nuits, dans son sommeil, Lapin entendait le long hurlement du moteur de la moto. « D’accord, dit-il, un après-midi, mais seulement jusqu’au bout de la route. » Il ignorait que celle-ci peut être longue, qu’elle lui réserverait bien des surprises et surtout que, chevauchant la moto, Chien serait là, à ses côtés.
Que de poésie et de pudeur, de discrétion dans les mots comme les images de ce récit centré sur l’amitié et la différence, la perte et le chagrin, la transmission… la puissance du souvenir et les retrouvailles, par-delà la disparition. Lapin a pu vaincre sa peur de l’inconnu et Chien, quoique désormais absent, a partagé avec son ami le bonheur d’être au monde dans la beauté des choses que le lecteur perçoit à son tour dans les illustrations de Sarah Jacoby.
Michel Defourny