Sur un ton désinvolte qui n’empêche pas le sérieux, Ludovic Laugier répond à la question : Qu’est-ce qu’elle a donc, cette Vénus de Milo ? Ludovic Laugier est l’un des grands spécialistes français de la statuaire grecque. Il est conservateur du patrimoine au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, il est également professeur à l’ École du Louvre. Ajoutons qu’il a été l’un des trois commissaires chargés de la récente restauration de la Victoire de Samothrace. C’est dire que Ludovic Laugier est bien placé pour nous permettre de tout connaître sur l’état actuel de la recherche relative à cette œuvre appelée aujourd’hui comme au XIXème siècle « Vénus de Milo » mais que l’on pourrait dire plus justement l’ « Aphrodite de Mélos ». En six courts chapitres illustrés avec malice par Thomas Baas, l’auteur fait le tour de la question.
Tout commence par la découverte d’un paysan, en 1820. Presque par hasard, celui-ci a mis au jour une statue en plusieurs morceaux, et dont les bras sont manquants. En conséquence, dans un deuxième temps, Ludovic Laugier traite de la technique dite des « pièces rapportées », il évoque ensuite les parures que devait porter la déesse et sa polychromie. Un troisième chapitre raconte les péripéties de son achat par la France et quel fut son voyage depuis de l’une des petites îles des Cyclades en mer Egée jusqu’à Paris où elle arrive en février 1821, faisant son entrée au Louvre le 1er mars. Encore fallait-il procéder à l’identification de cette figure féminine qui se caractérise par un visage impassible, à l’ovale harmonieux, aux traits parfaitement réguliers, au torse dénudé, au manteau enroulé autour des hanches : tel est l’objet du chapitre 4. Une fois évoqué le débat relatif à l’attitude de la Vénus – « quel geste pouvait-elle faire ? » -, Ludovic Laugier aborde la place de cette déesse au sein de l’art grec : l’œuvre reflèterait les recherches des sculpteurs à la fin de l’époque hellénistique et innoverait entre autre par sa composition hélicoïdale. Enfin, quelques pages sont consacrées à l’influence exercée par cette statue sur l’imaginaire et sur les arts depuis sa découverte jusqu’à nos jours. Devenue icône incontournable, son image s’est répandue dans les foyers, des réductions en plâtre ont orné des salons bourgeois, tandis que des artistes tels Magritte ou Salvador Dali ont détourné ce symbole de l’incroyable beauté féminine.
Je pense qu’après avoir lu ce bref essai, petit bijou d’érudition et de sensibilité, chacun portera un « autre » regard sur la Vénus de Milo, et que, par-delà, face à une œuvre d’art, chacun ne cessera de se poser de multiples questions.
Michel Defourny