Sur la couverture saturée de couleurs flamboyantes, nos yeux se raccrochent en premier lieu sur de petits caractères blancs qui se détachent d’une partie du fond. Ils forment le titre de l’album. Le décor est posé : la multitude de formes variées, allongées, biscornues, organiques, rocheuses, rocailleuses constituent une grotte. Et cet enfant aux cheveux de feu, à la posture décidée et franche dans son pyjama, est Maddi. Est-elle fille ? Est-il garçon ? Peu importe.
Maddi avance, un pied devant l’autre. On lui emboîte le pas.
– « Oh ! La grotte tremble ! » s’exclame Maddi sur le qui-vive, dès la deuxième page.
Est-ce un livre effrayant ?
Surgit alors un chat imposant.
– « Que se passe-t-il, chat ? » questionne Maddi.
– « J’AI FROID » répond le félin grelottant.
Le lecteur est aussitôt rassuré. Aussi parce que Maddi fait preuve de compassion envers ce chat qui n’est pas là pour la dévorer.
L’enfant poursuit son avancée et son aventure dans la grotte, nullement déroutée par les autres êtres atypiques qu’elle rencontre en chemin : des danseurs acrobates dynamiques et inspirés, une volumineuse chauve-souris cracheuse de feu et enrhumée, une maîtresse d’école revêche au teint verdâtre, des joueurs de cartes aux manches longues…
L’atmosphère dépeinte par Pauline Barzilaï est des plus singulières : les éléments qui constituent l’histoire – personnages comme événements – apparaissent et disparaissent sans raison précise, comme dans un rêve dans lequel tout est à la fois merveilleux et troublant, simple et bizarre, logique et surréaliste, banal et insolite…voire loufoque – se procurer des frites au distributeur du coin, pourquoi pas ? Dans cette grotte, manifestement, tout semble permis, ouvert et accepté.
Ici, pas de quête initiatique ou de grande transformation personnelle. Les choses se passent dans l’instant… Point ! Ce qui conduit de facto les petits à s’identifier naturellement au héros ou à l’héroïne. D’ailleurs, la narration, découpée en une phrase succincte par page, est portée essentiellement par la voix de Maddi ; l’histoire est narrée du point de vue de l’enfant aventureux qui ne recule devant rien. Les enfants, maîtres de leur destin ? Sans aucun doute. A l’image de Fifi Brindacier d’Astrid Lindgren ou de Max et les maximonstres de Maurice Sendak – sources d’inspiraton parmi d’autres de Pauline Barzilaï pour cet ouvrage.
Les peintures de toute beauté qui composent l’album Maddi dans la grotte, de facture expressionniste, guident le lecteur à travers cette caverne magique, ce lieu primitif abritant le début du dessin, de l’expression graphique. Ses parois se dessinent de coups de pinceaux imbibés tantôt de gouache liquide – en témoignent les variations d’intensité de la couleur diluée – tantôt de gouache dense, étalée par couches successives et suivant une gestuelle énergique. Les compositions mouvantes et virtuoses de Pauline Barzilaï font l’effet d’un véritable feu d’artifice. Non sans une pointe d’humour dans les répliques, que mon fils de quatre ans se plaît à répéter à tout va : «Allez, ciao les nazes !».
Merci Pauline Barzilaï pour cette impolitesse non conformiste… indispensable.
Kristina Tzekova