Paulina et moi narre une rencontre inattendue, une amitié fabuleuse, une fuite inévitable… vers une réjouissante issue. L’aventure concerne une petite fille, Angelica, et un petit cochon dit Paulina.
Bien étonnante que leur rencontre sur une route de campagne : d’abord la fillette comme le porcelet gambadent chacun seul au moment de leur découverte respective ; ensuite la jeune bête est toute emmaillotée dans un sac de toile de jute, ne découvrant que les pattes – comme des « hauts talons » y voit l’enfant ; et puis l’un et l’autre s’appréhendent doucement jusqu’à ce que l’animal, la tête encore recouverte, chuchote son prénom – Paulina, c’est en tout cas ce que prétend entendre « distinctement » Angelica.
Insolites à plus d’un titre, n’est-ce pas, que les prémices de cette histoire : une enfant d’à peine 2-3 ans qui se balade en solo (mais poupée en main) dans la campagne ; un porcelet dans un sac qui trottine tranquillement sur la route ; une bête qui parle et se fait comprendre par son humaine interlocutrice. Le tout mis en musique par l’allemand Hans Limmer pour le texte et par l’américain David Crossley pour la photographie noir et blanc.
L’aventure d’Angelica et Paulina, racontée à la première personne par une fillette dotée d’une certaine maturité, s’épanouit toute en tendresse au fil du récit. L’intégration de l’animal voulue par l’enfant dans le foyer familial, mais aussi le quotidien partagé par les deux comparses et nourri de jeux, balades et courses au marché, les apprentissages mutuels de la vie courante, la complicité qui se densifie d’une façon des plus naturelles entre la petite humaine et le petit mammifère… Dans cette histoire d’amitié qui tient du merveilleux, l’auteur et le photographe font se côtoyer avec délectation l’ordinaire et le curieux, l’élémentaire et le farfelu ; leur articulation du verbe et de l’image, profondément complémentaire, construit un récit qui s’opère sur le fil de l’évidence.
Alors quand l’alliance forte d’Angelica et Paulina se voit subitement menacée par la volonté du fermier de récupérer son porcelet perdu, la fillette, animée d’un certain « bon sens » (le sien), réagit avec détermination et une dose de malice : la solution c’est incontestablement la fuite avec son animal « porte-bonheur ». L’échappée du duo, à travers le patelin, les champs, la forêt et la montagne, sera agrémentée de rencontres avec des bêtes bienveillantes à leur égard… jusqu’à leur installation dans une grotte, leur « nouvelle maison ». La finale est drôle à souhait : retrouvés par des villageois, Angelica et Paulina seront ramenés au foyer familial, avec la ferme décision parentale d’y garder finalement l’animal. Moralité – celle d’Angelica : « Les grandes personnes sont en fait très raisonnables. Comme quoi, il ne faut pas manquer de patience envers elle ».
Cet album de photolittérature, qui a pour cadre l’ile de Rhodes en Grèce où a longtemps vécu Hans Limmer, est un classique en Allemagne depuis sa parution (1970). Sa publication en français nous permet aujourd’hui de découvrir avec ravissement une œuvre pleine de charme, une histoire exquise, des petites personnes bien avenantes…dont, dans le rôle d’Angelica, la propre fillette de l’auteur. Tout n’est ici que pur régal.
Brigitte Van den Bossche