« Allez, allez, pas de laisser-aller » se répète à longueur de journée Monsieur Watanabe tout en lissant ses derniers cheveux blancs.
Je trouve admirable le portrait de ce vieux monsieur, retraité depuis de nombreuses années ; il fait partie de ceux qui, au temps de la vieillesse et de la solitude, ont opté pour une forme de dignité qui simplement les tient debout : « Allez, allez, pas de laisser-aller ». Les maître-mots en sont régularité, répétition, rangement… au risque du prix à payer : monotonie, enfermement de l’esprit et de l’imagination, aveuglement au monde extérieur, même proche.
L’art de Delphine Roux est d’ouvrir une fenêtre inespérée dans cette banale réalité : un tableau d’animaux, tout en mouvements et en couleurs, peint à l’intention de Monsieur Watanabe par son cousin d’Afrique et complice de jeux d’enfance. Et c’est une demande toute simple et spontanée d’un enfant qui va rouvrir les yeux et le cœur du vieil homme et l’entraîner à reprendre le fil de la « vie » !
Les illustrations de Betty Bone sont en parfaite concordance avec l’écriture de Delphine Roux : synthétiques et très expressives. Quelques traits parcimonieux au crayon noir suffisent à rendre des expressions subtiles sur les visages. Des formes souples et d’autres plus géométriques s’entremêlent ; aux couleurs neutres comme beige et gris s’opposent des couleurs vives soulignées par la présence du noir. Formes et couleurs s’harmonisent pour créer atmosphères et mouvements.
J’ai été touchée par la simplicité et la profondeur de cet album ; il aborde avec chaleur et bienveillance une tranche de vie éloignée des jeunes enfants et met en lumière l’importance des liens humains.
Chantal Cession