Un papi raconte l’histoire du Petit Chaperon rouge à sa petite-fille, du moins tente-t-il de le faire, car il dérape à tout moment. Heureusement la gamine connaît bien le conte et corrige les erreurs du vieux monsieur. Non ! ce n’est pas un chaperon jaune qui est l’héroïne du récit. Non ! ce n’est pas une pelure de patate qu’il faut porter à la tante pénélope. Non ! ce n’est pas une multiplication qu’a demandée le loup au petit chaperon noir ! Que le lecteur se rassure, tout est bien qui finit bien puisque le grand-père s’en tire finalement en donnant quelques sous à son adorable petite fille qui a fait preuve de tant d’indulgence et de patience. Elle s’achètera un chewing-gum.
Gianni Rodari n’a pas son pareil pour raconter des histoires farfelues qui font rire aux éclats. « Dérailler » volontairement, selon lui, est une invitation à la création ainsi qu’il apparaît à la lecture de sa célèbre Grammaire de l’imagination. Quant à Beatrice Alemagna, elle nous éblouit comme à son habitude. Ses illustrations sont aussi loufoques que le texte. Elle semble avoir pris un plaisir fou à croquer ses personnages. Voyez comme elle joue avec la tresse de la petite-fille du pépé à lunettes ! Cette fois, elle privilégie un style pointilliste d’allure naïve et comme les dialogues constituent l’ossature de la narration, elle emprunte à la BD le procédé de la bulle qu’elle n’hésite pas à dilater. Non pas pour y insérer le texte mais pour y glisser la traduction en images des racontars du vieux monsieur et des réactions de la fillette.
Ce récit est extrait de Favole al telephono paru en 1962 chez Einaudi. Les Histoires au téléphone ont été traduites en français par Roger Salomon, spécialiste de Gianni Rodari, chez Messidor-La Farandole en 1986 – une réédition en est parue à la Joie de lire en 2012. Et en 2005 Alessandro Sanna a illustré le détournement du conte du Petit Chaperon rouge par Rodari, à L’école des loisirs, sous le titre Quel cafouillage.
Michel Defourny