Bernadette Gervais est une grande passionnée. D’images fixes et de figures appartenant à l’ordre du vivant. De photographie et d’illustration. De couleurs comme de noir & blanc. Le point de convergence de tout cela, sa grande affaire dans la vie, le sujet de ses réflexions journalières et l’objet de ses déambulations quotidiennes, c’est la Nature – qu’elle soit végétale, minérale, animale ou humaine. Une Nature qu’elle observe si intensément, scrute sous toutes les coutures et dont elle reproduit sur papier un nuancier de formes, de teintes et de matières. Le tout sur un mode réaliste particulièrement impressionnant.
Dans Mes saisons, son dernier album, Bernadette Gervais excelle plus que jamais dans cette voie et y ajoute pour la première fois des images photographiques. Sa technique si fine, si précise et de plus en plus maîtrisée du pochoir et du travail à l’éponge se voit ici comme augmentée dès lors qu’elle se confronte à un nouveau medium graphique. Une dizaine d’années auparavant, l’artiste avait déjà illustré aux éditions Les Grandes Personnes un Imagier des saisons. Dans ce nouvel opus axé sur la même thématique, elle fait un pas de géant en conjuguant trois approches : d’une part l’association des deux techniques (pochoir et photographie) qui figure d’entrée de jeu sur la couverture, d’autre part le grand format qui s’apparente à un modèle d’affiche, enfin les mots typographiés en lettres capitales orangées qui nomment les images à différents endroits des pages… Mes saisons, c’est l’Encyclopédie de Bernadette Gervais et c’est une somme captivante.
Faune et flore, figurant parfois aux côtés de formes nuageuses, se partagent ici la vedette et sont dévoilées au fil des saisons. On pénètre dans l’album par le printemps – renoncule, perce-neige, fougère, saule, pissenlit, trèfle côtoient renardeau, lapereau, faon, hirondelle, rougequeue, huppe fasciée… –, on le referme en plein hiver, lorsque la neige tombe, laissant apparaître à la toute fin son manteau blanc marqué d’empreintes humaines. Le cycle se poursuivra inlassablement, la régénérescence est constante, la métamorphose perpétuelle – à nous, êtres de l’espèce humaine, de prendre part à cette fascinante nature avec humilité et de suivre respectueusement ses saisons.
Ode éclatante à la nature dans toutes ses nuances, symphonie joyeuse révélant sa richesse et sa beauté, livre d’heures aux enluminures végétales et animales, les Saisons de Bernadette Gervais – les siennes, oui – sont éblouissantes. Et le dispositif iconographique des « choses de la nature », aux échelles changeantes et inscrites parfois sur des fonds densément colorés, participe de cette impression : s’immerger dans un cabinet des merveilles.
Brigitte Van den Bossche