Les enfants sont-ils capable de changer le monde et de le rendre meilleur ? Pour répondre à la question, Jacqueline Woodson raconte, dans L’autre côté, l’histoire de Clover et Anna. Les illustrations à l’aquarelle d’Earl Bradley Lewis dans leur style poético-réaliste ménagent une large place à la lumière.
Malgré le poids des préjugés, malgré, les craintes enracinées dans un passé toujours trop présent, Clover la Noire et Anna la Blanche se lient d’amitié. Alors que depuis toujours, dans cette campagne étasunienne, une barrière sépare deux mondes, celui des Gens de couleur et celui des Blancs, alors que la maman de Clover lui répète que « Mieux vaut ne pas trop s’approcher de la clôture« , les deux fillettes s’apprivoisent peu à peu et transgressent les interdits. Elles s’observent, se parlent et bientôt toutes deux s’asseyent sur la barrière. Elles jouent et dansent ensemble, avant d’entraîner à leur suite le groupe de copines de Clover. Emouvante est l’image qui montre le bouleversement opéré par les enfants :
Quand nous étions trop fatiguées pour danser à la corde, témoigne Clover, nous allions toutes nous asseoir en une longue file sur la clôture.
L’album se termine par une réflexion d’Annie ; elle espère qu’un jour cette vieille barrière sera démolie. « Un jour« … répète Clover, en hochant la tête.
La première édition de The Other Side est parue aux Etats-Unis en 2001. Qu’en penser après vingt ans, se demande Jacqueline Woodson dans un billet introductif : les barrières sont-elles tombées ? Pendant les deux décennies qui séparent la traduction française de l’édition originale, elle a rencontré de nombreuses classes d’enfants. Elle les a interrogés. Et de se rendre compte que la ségrégation existait toujours malgré le travail de Martin Luther King Jr. et du mouvement pour le respect des droits civils. Les choses ont certes changé. L’improbable est advenu : un Président noir a été élu. Mais force est de constater qu’il reste du travail à faire, beaucoup de travail, et que rien n’est jamais acquis. Aujourd’hui, partout dans le monde, barrières et murs séparent les uns des autres. Puissent les enfants du monde les abattre !
Michel Defourny