C’est le dernier jour des vacances… et avec lui le retour à l’école qui s’annonce pour une fillette – dont on découvrira indirectement le prénom, Tina, au cours du récit. L’histoire de Déjà dimanche s’ancre dans un décor anonyme de prime abord, comme déshumanisé : celui d’un environnement urbain flanqué d’immeubles résidentiels et d’une esplanade dotée d’un bâtiment à l’architecture déconstructiviste. L’aménagement d’un petit parc et la présence d’une aire de jeux allègent quelque peu la morne atmosphère dans laquelle déambule la fillette. La météo, nuageuse puis pluvieuse, est celle d’un début d’automne. On le perçoit rapidement, à la posture courbée de Tina : cette dernière journée qui consacre la fin des congés scolaires rend la fillette cafardeuse. Accompagnée de son chiot, elle parcourt, lasse, différents espaces extérieurs de la cité.
Mais le désenchantement et la nostalgie générés par la sensation du temps passé trop vite vont progressivement susciter des petites formes de joie et d’enthousiasme, qu’un ciel plus clément viendra auréoler – traduction en image : le rayonnement d’un arc-en-ciel ! Quelle est la nature de cette flamme qui va ainsi ranimer le cœur et l’esprit de Tina ? Comment surgira-t-elle ? L’étincelle s’incarnera dans la résurgence de souvenirs, d’abord épars puis de plus en plus précis, de moments partagés avec ses comparses au retour du dernier jour d’école – le cartable encore à portée de main ! Ce sera la trouvaille d’un tube de bulles de savon, l’escalade d’une structure pyramidale de cordage, le sautillement sur des plots urbains, la balade coursée dans le parc, l’applique d’inscriptions sur le banc public, la glissade sur la rampe des escaliers… Finalement, l’appréhension de ce dernier jour de vacances scolaires, saisissable au début du récit, s’est apaisée et les lendemains se révèlent plutôt réjouissants.
Deuxième titre de Romain Bernard aux éditions La Partie, Déjà Dimanche est un étonnant album au format à l’allemande. Le nuancier des teintes, subtilement déployé au gré de la périodicité du récit (tout début des vacances ou leur toute fin) ; les liens narratifs étroits entre certaines images montrées en double pages (selon le même tempo) ; l’écho des compositions graphiques entre elles témoignant de la déambulation de Tina dans un cadre spatio-temporel précis (départ de l’appartement un matin et retour à celui-ci le soir)… Tout cela témoigne de l’intelligence visuelle et narrative contenue dans ce fort bel opus.
Brigitte VdB