Pierre Le-Tan vient de nous quitter. La presse unanime a célébré son art. Son style n’était à nul autre pareil. Qu’il s’agisse d’une couverture pour The New Yorker, d’une publicité pour les produits de beauté Orlane, d’une illustration pour Poupée Blonde de Patrick Modiano, d’un portrait d’Yves Saint Laurent et Pierre Berger, d’une scène de rue à Shanghaï, d’un hommage au peintre vietnamien Lê Phô, son père, du logo pour la firme de sa fille Olympia, de dessins dans un livre pour enfant… sa technique n’a jamais varié : des hachures à l’encre de Chine souvent rehaussées à l’aquarelle. Son travail sur la lumière était remarquable. Son élégance colorée d’un parfum nostalgique était légendaire. De même que sa collection d’objets d’art, véritable cabinet de merveilles.
Je voudrais rappeler ici que parmi ses créations foisonnantes, il avait à plusieurs reprises manifesté de l’intérêt pour le livre de jeunesse proposant chez Gallimard, en 1993, Cléo prépare Noël, des dessins magiques un peu british que commentait son écriture raffinée. Cet album avait été précédé en 1986 par Les Contraires, dans la collection « Hibou Caribou » chez Hatier. Il maîtrisait l’art de la double page. Deux vignettes carrées se répondaient, dans un album au format carré et Pierre Le-Tan tirait un étonnant parti du format adopté, carrés dans le carré avec de larges encadrements blancs et, en grands caractères, le mot correspondant à l’image. Il avait également publié deux titres dans l’excellente collection « Gobelune » dirigée par Colline-Faure Poirée et Hans Troxler chez Hachette : Voyage au Pôle Nord en 1980, et Voyage avec la sirène en 1981. Robert Delpire en avait exposé les originaux dans sa galerie, au pied de l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris. Deux histoires merveilleuses : une escapade dans le Grand Nord avec Alexis accompagné de son ours polaire en peluche… une plongée sous la mer avec Olympia… Etaient-ce des rêves ? se demandait-on. Mais alors que faire de ces troublants indices qui semblaient authentifier ces aventures : la présence du canard gonflable d’Olympia sur l’île qui faisait face à la plage et d’où venait ce beau coquillage arraché aux fonds sous-marins. Pourquoi, à son réveil, Alexis avait-il le nez tout rouge et l’air frigorifié ?
Michel Defourny