Martina Aranda semble manipuler les mots, les crayons, les aiguilles et le fil à broder avec la même aisance, le même talent et le même bonheur.
Si l’on commence par feuilleter simplement l’album, on repère quelques éléments récurrents de l’histoire à découvrir : des livres, des matières textiles, des couvertures, ainsi que des motifs, qu’ils soient peints au mur, incrustés dans le sol, dessinés sur les parasols de papier, gravés sur des dés à coudre, brodés sur tissu, tricotés sur un pull… On est touché par une sensation complexe de légèreté et de gravité, de mystère aussi car le visage de la brodeuse d’histoires n’apparaît jamais, les rideaux dissimulent les intérieurs…
La narratrice privilégie – jusqu’à la dernière image – une illustration simplement suggestive, mettant en évidence quelque détail choisi ou une partie de silhouette. Si le trait noir est largement dominant, le bleu est utilisé parcimonieusement comme un point de repère qui fait sens dans le récit au même titre d’ailleurs que l’unique tache de couleur orange !
Mila vient d’emménager avec ses parents dans un immeuble ; dès le premier jour, elle y fait la connaissance de Lucia qui l’accueille en lui racontant d’emblée la vie des artistes qui habitaient autrefois le quartier… « Lucia brodait les histoires par cœur, sans perdre le fil… » Et cela fait rêver Mila ! De rencontre en apprivoisement naît une amitié discrète, respectueuse, teintée de la fragilité grandissante de Lucia.
Un récit sobre et profond qui résonne avec une intense justesse.
Chantal Cession.