Une fois l’an, le jour dit, ils font l’ascension de la colline pour se retrouver à son sommet tous ensemble et y échanger leurs expériences de vie. Qui sont-ils ? Toutes sortes de bêtes, quelques humains, des personnages de légendes… Se joindront à cette assemblée d’autres âmes et des éléments de la nature qui, bien qu’invisibles, apporteront une parole forte au conciliabule.
La voix du robuste Eléphant, dont la présence s’ancre dans l’intitulé de l’album comme dans son image de couverture, est la première à être confrontée à l’assemblée. Eléphant balbutie une question. Une et une seule question, et non des moindres, tel un pavé lancé dans la mare : « comment sait-on quand on est amoureux ? »…
Cette interpellation embarrassée déclenche une envolée de réactions… toutes poétiques, inspirées et tendres, variées aussi. Fourmi, impatiente et autoritaire, distribue avec froideur la parole aux intervenants. Et chacun de donner son avis. Le vagabond, l’explorateur, Blanche-Neige, l’acrobate, l’ours polaire, la Mamie, une fillette, le caillou, le pommier, la mer, les nuages, le soleil, le vent, les flocons de neige et les étoiles… témoignent tant de leur ressenti que de leur vécu, réponses tout en nuances, pleines de grâces et d’émerveillements.
Après ce partage d’impressions, Eléphant, comblé, retourne avec empressement dans la vallée, suivi par un cortège de couples d’individus et d’animaux – clin d’oeil imagé à l’arche de Noé –, animés par la joie de voir leur « héros du jour »… tombé amoureux. Restera, seule et grincheuse, Fourmi, la seule à ne pas avoir ouvert son coeur.
Eléphant a une question est tout autant un livre de philosophie qu’un livre d’art. Un album qui questionne l’amour et ses différentes formes avec une délicate poésie du verbe et de l’image. Les mots et les métaphores utilisés par Leen Van den Berg sont d’une douceur infinie et d’une intelligence désarmante ; les compositions graphiques de Kaatje Vermeire, qui reposent sur des procédés mixtes (superposition de dessin, peinture, gravure,…), s’imposent quant à elles par leur singularité, leur force symbolique, leur degré de mystère, leur profusion et subtilité de détails. L’auteure et l’illustratrice signent conjointement un récit initiatique qui procure une bouffée d’émotions, une oeuvre éblouissante.
Brigitte Van den Bossche
+++Chronique réalisée pour l’Association Belge pour la Littératie-section francophone / ABLF > https://www.ablf.be +++