Kotimi, Momoko, une enfance japonaise – ed. Rue du Monde 2020

Kotimi, artiste japonaise qui vit actuellement à Paris, se souvient de son enfance et de sa petite sœur frappée par un handicap mental. Ce livre lui est dédié. Elle y raconte huit moments inoubliables. Nous sommes dans les années septante, dans un quartier populaire de Tokyo.

Premier épisode. Alors que Momoko se réjouit de faire son entrée à l’école primaire, le matin du grand jour, elle s’aperçoit qu’elle est couverte de boutons sur tout le corps. Catastrophe pour elle que cette varicelle ! Mais qui, selon une amie, fut une chance tant le discours du directeur avait été long et ennuyeux. De quoi à en avoir mal aux fesses !
Dans le deuxième épisode, Momoko se rapproche de son papa qui l’invite, un dimanche, à jouer au golf. On apprend qu’au Japon, les enfants et les papas se voyaient à peine tant ceux-ci devaient boulotter.
Le troisième épisode nous emmène au cimetière pour jouer à cache-cache, avant de s’en faire chasser énergiquement. La journée finira en beauté cependant puisque la maman acceptera d’acheter à ses deux filles un petit poisson rouge.
L’épisode quatre est tout entier consacré à Minako qui suit d’un an sa sœur aînée, mais dont « le cerveau accuse un retard », sans que l’on sache pourquoi. Le cinquième est en quelque sorte le prolongement du précédent. Tout a été minutieusement préparé pour accueillir les parents en classe. C’est un moment important pour Momoko qui attend avec impatience l’arrivée de sa maman accompagnée de Minako. Non seulement, elles arrivent tardivement, mais, plus embarrassant encore, la petite fait son cirque !
Le sixième épisode nous rappelle que nous sommes au Japon où la cérémonie du thé est un rituel auquel on n’échappe pas.
Le septième épisode se déroule à l’école, au moment du repas. Un dessert est manquant. Momoko en sera-t-elle privée ?
Huitième et dernier épisode plus mémorable encore : il a suffi d’une légère distraction, au marché, pour que Minako dont elle avait la garde disparaisse. Vaine recherche, pleurs, peur… la culpabilité accable la grande sœur. Que l’on se rassure, Minako n’était pas bien loin.
Et l’album de se terminer par l’énumération des délices qui ravissent chacun.

Ce titre nous touche parce que – comme l’écrit Kotimi – les enfants sont toujours des enfants. Qu’ils soient d’ici ou de là-bas, d’aujourd’hui ou d’avant-hier. Les petits événements du quotidien prennent pour eux des proportions souvent démesurées, que ce soit en famille ou à l’école, avec les copains et les copines. Les récits de la narratrice entrecoupés de dialogues sont particulièrement vivants comme le sont ses dessins décomplexés. Ceux-ci prolongent le texte, créent l’atmosphère, donnent à voir émotions et sentiments. Les bouches et les yeux (disparus parfois derrière les verres de lunettes) accentuent les mimiques tandis que l’humour et le mouvement dédramatisent les situations.

Enfin, il y a le Japon… à la fois proche et tellement différent. L’album montre d’autres façons de vivre, d’autres habitudes. En famille, on s’assoit à même le sol autour d’une table basse ; on mange dans des bols avec des baguettes ; on boit un thé vert très amer ; lors des rencontres ou des départs, on s’incline pour se saluer ; on tend les deux mains pour offrir ou recevoir un cadeau ;  par une porte ouverte, on entrevoit le furo de bois, autre façon de prendre un bain chaud. Et comment ne pas évoquer les échoppes de rue ou du marché, celle du marchand de poissons rouges et surtout le stand des taïyakis, ces petits gâteaux en forme de dorade fourrés d’une pâte de haricots rouges sucrée tant appréciés par les petits et grands. Le Japon d’aujourd’hui est bien différent de ce Japon des années 1970 dans lequel j’ai grandi – prévient Kotimi– mais il lui ressemble beaucoup aussi !

Un épais volume de 168 pages émouvantes, palpitantes, drôles et profondément humaines.

Michel Defourny

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *