Giulia Vetri, Là où tout est blanc – Les Grandes Personnes 2020

Immersion poétique dans une aire polaire. 

Là où tout est blanc s’ancre au coeur de l’Antarctique, que l’auteure et illustratrice Giulia Vetri a déjà exploré dans un album éponyme pour la jeunesse (Antarctique – expéditions en terre inconnue, La Martinière Jeunesse, 2018) et, antérieurement, dans un projet-livre imagé muet (90° Sud, non publié) dont s’inspire le présent album réalisé à la fin de son cursus académique artistique à Urbino sous la supervision de l’artiste américain Steven Guarnaccia.

Là où tout est blanc se dévoile dans une palette chromatique limitée au blanc, qu’il soit opaque ou translucide, et au bleu, avec quelques touches plus sombres. Palette qui renvoie au froid glacial du pôle austral et n’est pas sans similitude avec l’atmosphère boréale. En ce monde hostile, la vie animale s’y épanouit pourtant – sur terre, en mer, dans l’air.

Là où tout est blanc déploie grandes et larges les ailes du pétrel des neiges, fait parader la baleine bleue pleine de grâce, rythme le dandinement régulier des manchots rejoignant la mer, expose le léopard des mers se prélassant sur la banquise, déroule la nage puissante et agile de l’orque entre les glaces, narre la course pressée des chiens d’attelage en direction du pôle Sud, là où « il n’y a plus de vie, plus de pluie, juste des vents violents et encore du blanc ».

Là où tout est blanc est une ode à la terre mère, une ode en particulier à l’une de ses aires habitée de cétacés, phocidés et volatiles de mer, vaste région aux conditions climatiques extrêmes, laboratoire écologique d’une nature sauvage.

Là où tout est blanc est une épopée poétique, économe de mots, qui magnifie la beauté, la pureté, la majesté immaculée du « Continent blanc », la profonde harmonie de ses composantes aussi que rend particulièrement sensible la question de l’exploitation de la nature par l’homme.

Cet opus remarquable de raffinement que signe Giulia Vetri, artiste originaire de Vénétie installée aujourd’hui à Bruxelles, adopte différentes dimensions formelles qui affermissent le sujet pour lequel se passionne l’artiste : le format à l’italienne donne la mesure des grandes étendues du paysage antarctique et du règne animal qui y vit ; la reliure en spirale de couleur blanche renforce la vision panoramique et organique de ce continent austral ; la couverture et la quatrième de couverture en carton épais pourraient renvoyer à la robustesse de cette terre glacée, doublement menacée si l’on en croit les images, par le réchauffement climatique qui disloque la calotte polaire antarctique et par la présence de l’homme qui y programme des expéditions depuis un siècle. L’alternance de pages découpées et pages de papier calque inscrit ce livre dans la lignée des livres-objets et livres d’artistes de Bruno Munari et Katsumi Komagata. La filiation, élogieuse, n’est ici pas excessive.

Brigitte Van den Bossche

*** Chronique réalisée pour la revue Le Carnet et les Instants :
https://le-carnet-et-les-instants.net/2020/11/21/vetri-la-ou-tout-est-blanc/

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