Marion Fayolle, Les petits – Magnani 2020

Les images de Marion Fayolle s’imposent par l’étrangeté allégorique de leur contenu, la singularité de leur composition, leur atmosphère si particulière alliant souvent poésie et causticité. Formée à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg, l’artiste met en scène dans ses albums une nature humaine traversée par des histoires universelles, des sentiments complexes, des relations interpersonnelles – des « aventures » que révèle un graphisme élégant, sobre et au trait rythmé. Les petits, son huitième et dernier opus, ne déroge pas à la règle… intégrant la lignée d’une oeuvre cohérente et puissante dans laquelle l’artiste se délecte à jouer avec les corps – et les échelles entre eux – au point de les désarticuler comme s’il s’agissait d’objets.

A l’instar des Coquins, paru chez le même éditeur en 2014, Les petits est un recueil d’images muettes, un polyptyque où priment l’épure et le mouvement, une ensemble iconographique chargé de symboles. Si le premier s’immergeait non sans malice dans l’intimité sexuelle d’hommes et de femmes, le second témoigne avec force de l’avènement de l’enfant dans la vie de couple. Un livre qui prend aux tripes dès les premières pages, reposant sur un enchaînement de visuels troublants et déclinant une même intention : la relation viscérale enfant-parent, leur dépendance mutuelle, leur profonde interférence.

Les dizaines d’images qui composent ce corpus de Marion Fayolle ont été réalisées durant la première année de vie de son fils. Des représentations métaphoriques qui témoignent d’ébranlements intérieurs et d’intenses émotions que provoque l’arrivée d’un enfant. Les scènes que dépeint l’artiste reflètent tour à tour facétie, dureté, tendresse et naïveté. Parfois mordantes, parfois rocambolesques, elles manifestent aussi l’imperceptible de la relation humaine, que cela se marque au niveau de l’attachement – il peut être fusionnel, on le sait – , de la construction identitaire de chacun et de la redéfinition de la vie de couple… Les petits regorgent de subtilité et d’intelligence pour narrer l’ancrage de l’enfance et du développement de la parentalité. Livre à la portée intemporelle – l’histoire humaine s’écrit dès la naissance et se perpétue inlassablement –, Les petits parle en silence de filiation, d’héritage, de transmission. C’est profond et impressionnant, beau et déconcertant.

Brigitte Van den Bossche

+++Chronique réalisée pour l’Association Belge pour la Littératie-section francophone / ABLF : https://www.ablf.be/coin-lecture/260-les-petits

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