Des silhouettes au trait ou en aplat qui vont de l’avant ou en pleine action. Des traits de vitesse comme dans les bandes dessinées pour signifier la rapidité d’un mouvement.
Des personnages anonymes, des héros du voyage, des animaux de toutes espèces, des bateaux, des embarcations légères, des véhicules à roues, calèches, voitures, rickshaws, vélos, des avions de toutes les époques, des satellites, des monuments historiques, des sites… Leur figuration épurée les rapproche de pictogrammes.
Un peu partout, çà et là, de longs traits directionnels de couleur orange fluo, de couleurs bleue, verte ou jaune, horizontaux pour la plupart ; tandis que certains se muent en flèches signalétiques, d’autres ondulent et deviennent flots… d’autres encore zigzaguent et se croisent tant les itinéraires de chacun diffèrent.
Eblouissante, la virtuosité de Romana Romanyshyn et Andriy Lesiv ! Leur album D’ici jusqu’à là-bas, paru chez Rue du Monde, proposent 26 panoramas qui sont autant de points de vue sur le mouvement. Ils rappellent, en un feu d’artifice graphique, que la vie est mouvement dans un univers en expansion et que le mouvement est synonyme de liberté. Ignorant les frontières, hommes, femmes, enfants n’ont cessé de se déplacer depuis des dizaines de milliers d’années. Recherche de terres fertiles ; exploration des confins de la planète ; soif de rencontres et d’échanges commerciaux ; nécessité de s’arracher à sa maison natale pour fuir un environnement devenu hostile lors de catastrophes naturelles, de guerres ou de violations des droits humains ; quête de beauté ; recherches spirituelles et visites de lieux saints ; ou, tout simplement, besoin de détente, de soleil et de vacances …
Gardons-nous de croire que nous serions les seuls à nous mouvoir. Loin s’en faut. Nombreuses sont les espèces animales qui parcourent des distances inimaginables pour survivre. Les saumons comme les sardines d’Afrique du Sud nagent vers leurs lieux de naissance afin de se reproduire. L’oie tigrée survole les pics himalayens à une altitude qui peut atteindre 10 000 mètres, lorsque, quittant l’Asie centrale, elle gagne le nord de l’Inde pour y passer l’hiver. Selon l’importance des pluies, les gnous et les zèbres, en vastes troupeaux, effectuent de longues et périlleuses migrations circulaires.
Et que dire des éléments ! De l’eau qui court sans jamais s’arrêter… Du vent, colporteur de graines qui ensemencent de nouveaux territoires. Pendant des générations, son souffle a gonflé les voiles des navires, fait tourner les ailes des moulins et, aujourd’hui, il active les éoliennes productrices d’énergie renouvelable.
Par la puissance de son graphisme, entre minimalisme et surcharge, ce « documentaire » avant tout visuel, est un véritable livre d’artiste, à la fois poétique, politique et philosophique : un regard sur la vie.
Michel Defourny