Marion Boulé et Elsa Ohana, Blanche Corbeau ou l’étoffe des souvenirs – Le Genévrier 2021

Serait-ce l’étrange beauté des images ? Serait-ce leur hybridation ? Serait-ce la combinaison des techniques, gravure et collage, taches de couleur ? Serait-ce la force du noir, celui du plumage des corbeaux, celui de la fourrure du chat ? Serait-ce la finesse de la dentelle associée au grand âge ? Seraient-ce les motifs floraux colorés ? Serait-ce l’exubérance des chevelures ? Seraient-ce les traits des visages piqués de pointillés : visage et sourire des enfants qui viennent de perdre leurs premières dents, visage d’une vieille femme érodée par le temps et dont les mains ravinées disent le labeur d’une vie ?

Serait-ce la symbolique que cache le nom de Blanche Corbeau, blanche comme la neige, blanche comme la colombe, noire comme le charbon… à l’origine de ces images, entre réel et surréel ? Seraient-ce la poésie des mots et le rythme des phrases qui déjouent la tristesse du propos : cet oubli qui s’installe peu à peu et fait nuit dans la mémoire des vieux, atténué toutefois par le réconfort d’une tisane de romarin ou la douceur d’une pâte de fruit à la groseille? Atténué par le rappel d’un air de chanson ou l’apparition soudaine d’une petite fille en souliers vernis dont les yeux rieurs pétillent de joie.

Sans doute est-ce tout cela qui m’a profondément touché et m’a confusément troublé dans cet album d’une rare beauté… livre d’artiste, livre de poète, célébration du noir et blanc, et par-delà célébration de cet âge que l’on dit grand.

Michel Defourny

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