Par un matin d’hiver, la directrice de l’école amène en classe Maya, une petite « nouvelle ». Ses chaussures ne sont pas adaptées à la saison et ses vêtements ont l’air vieux et usés. Les enfants de la classe le remarquent au premier coup d’œil ; leur accueil est froid et silencieux. La maîtresse propose à Maya de s’asseoir à côté de Chloé ; pour ne pas répondre au sourire de Maya, Chloé détourne la tête et regarde par la fenêtre… Au fil des jours, les tentatives d’approche que fait Maya pour essayer de s’intégrer aux enfants de la classe se heurtent non seulement à de l’indifférence et au refus explicite de jouer avec elle, mais aussi à de la moquerie – elle est affublée du surnom :« Vieille Affaire ». Maya tient ses distances et s’accommode de sa solitude… jusqu’au matin où sa place reste vide ; le matin même où le sujet discuté en classe est la gentillesse. Pour faire comprendre aux enfants de sa classe « ce que fait » chaque petit geste, la maîtresse a apporté un grand bol, le remplit d’eau puis y lâche un petit caillou : de fines vagues apparaissent à la surface et s’éloignent de plus en plus du caillou : « chaque petit geste que l’on pose se répand dans le monde, comme une vague ». Puis c’est à chaque enfant de faire tour à tour l’expérience de jeter le caillou en formulant ce qu’il a fait de gentil et prendre ainsi conscience que chaque petit geste compte, aussi modeste, discret, et simple soit-il.
C’est par l’observation puis l’expérimentation symbolique que chaque enfant va pouvoir, s’il le veut, intérioriser la conscience de son comportement. On est loin ici de la leçon moralisatrice.
Je pense que la richesse de cette histoire résulte de deux choses : il n’y a dans le texte aucune « accusation » quant aux agissements des enfants vis-à-vis de Maya, la nouvelle, mais un simple constat, sans jugement ; il y a d’autre part une proposition alternative et positive : « ce que fait la gentillesse».
Les aquarelles de E.B.Lewis contribuent considérablement à la qualité et à la profondeur de cet album, à son esprit empreint de simplicité et de modestie. La douceur des teintes n’exclut pas le réalisme. Le choix des attitudes témoigne d’un sens aigu de l’observation : la silhouette de la directrice entrant dans la classe en tenant Maya par la main, la tête relevée de l’une vue en contre-plongée, la tête et les yeux baissés de l’autre. Les regards sont très expressifs : regard buté de Chloé bras croisés sur son banc, regard profondément triste de Maya tenant sa poupée en main,etc.
J’ai trouvé cet album profondément juste et humain. Les dernières phrases m’ont particulièrement touchée : « …J’ai lancé des cailloux dans l’étang, encore et encore. J’ai regardé comment les petites vagues ridaient la surface de l’eau et s’éloignaient. S’éloignaient. Comme chaque petit geste que l’on a posé _ ou pas … » .
Ces deux mots «- ou pas » apportent tout leur sens au propos de l’album et donnent toute sa dimension à la réflexion qu’il suscite.
Chantal Cession