Véronique Seydoux et Hélène Georges, Le jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait – Rouergue 2022 

En lieu et place de pages de garde, une maman et sa fille, toutes deux chapeautées et bottées, s’affrontent comme dans un western, tandis que sont posés sur un tabouret un bol et une bouteille de lait.

Double page suivante, sous le regard ahuri de sa mère, la fillette envoie valser le tabouret d’un coup de pied. Conséquences prévisibles, dans la troisième double page, le bol est en morceaux, le lait s’est répandu sur le sol, la mère gesticule se faisant menaçante et la gamine s’est enfuie. Tournons la page. Le titre de l’album, les noms de l’auteure et de l’illustratrice, celui de l’éditeur se détachent sur un vaste paysage montagneux que traverse à vive allure une fillette montée sur un mustang bleu. On a vite compris que Vicky Dillon Billon, qui avait refusé de boire son bol de lait, n’a pu supporter les réprimandes de sa mère. Elle galope. Sa rage est telle qu’avec sa bande de copines, pendant plus d’une dizaine de pages, c’est-à-dire pendant 3 ans 7 mois 11 jours, elle écume les plaines du Far West. Elle dévalise les banques, pourfend sombreros et saguaros, joue du banjo sur le dos d’un taureau, passe ses nuits auprès de ses amis coyotes… Et chacun de s’inquiéter :  » Quand donc la colère de Vicky Dillon Billon prendra-t-elle fin ? »  La beauté suave d’une fleur de cactus qui lui a résisté la fera craquer, tant elle lui rappelle le sourire de sa mère. Et la soif de se faire sentir, si forte que la fillette boirait bien… un verre de lait ou une menthe bien fraîche ! Il ne lui reste plus qu’à se précipiter dans les bras accueillants de sa maman.

La parenté existant entre Max et les Maximonstres de Maurice Sendak et l’album de Véronique Seydoux et Hélène Georges est évidente : conflit suivi d’une plongée dans l’imaginaire, résolution finale et retour à la réalité. Comment ne pas se rappeler le fatal coup de pied de Max, la colère maternelle et la punition, la fête épouvantable et finalement le repas bien chaud, signe de réconciliation. Si les schémas narratifs sont proches, les ambiances sont très différentes. Le côté sombre propre à Sendak fait place ici à un humour décalé dans une parodie de western placée sous le signe du rouge et du bleu qui irréalisent les situations. Mustang bleu, taureau bleu, cactus bleus, coyotes bleus, salopettes bleues, végétation bleue et rouge, bottes et sombreros rouges, bisons rouges, monts rouges… Les coups de crayons de couleur se déchaînent, traduisant visuellement la vivacité d’un texte épique et comique à la fois, tandis que l’expressivité cinématographique de l’héroïne fascine le lecteur. Un grand bravo à Véronique Seydoux et Hélène Georges.

Michel Defourny

 

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