Nous avions fait connaissance avec Vincent Elan , sa famille, ses amis et ses voisins dans « La maison dans les bois » à l’école des loisirs en 2012.
Près de dix ans plus tard, Inga Moore nous rappelle d’emblée qu’ « Elan et sa famille habitaient dans la forêt ». Et cette première double page dévoile une maison de style cottage anglais, au cœur d’un jardin sauvage mais bien délimité. Toute la famille s’affaire à rendre l’environnement accueillant : mère et petits lavent la vieille voiture et Vincent repeint soigneusement la barrière bleue ; il en profitera pour en réparer quelques faiblesses éventuelles, clous et tournevis toujours à portée de main…
Le soir venu, devant le feu qui brûle dans la cheminée, la famille est installée confortablement et Vincent Elan raconte à l’assemblée familiale une histoire. Comme on aimerait se joindre à eux, s’installer dans ces fauteuils vieillots et dépareillés qui supportent sans crainte les pattes repliées sous soi ou déposées sur un pouf aux formes souples ; s’allonger, callé dans un coin du divan fleuri, et écouter….
Mais le soir où Elan tombe à court d’histoire, le voilà désemparé. S’agit-il dès lors d’emprunter chez les voisins un livre à lire ? Pas si simple, même si la bonne volonté de tout le monde est manifeste, car ni chez Ourse, ni chez Blairelle, ni chez Renard, ni chez aucune des familles voisines, il n’y a de livres d’histoires… Elan décide dès lors de s’aventurer dans les rayons de la bibliothèque de la ville, dont il va emprunter une pile de contes. Le soir, le voilà à régaler tout son petit monde. Curiosité et enthousiasme sont communicatifs si bien qu’au fil des soirées, familles voisines et amies sont de plus en plus nombreuses à écouter le conteur… dans un espace qui se fait de plus en plus étroit ! C’est alors qu’Elan trouve la solution pour maintenir la traditionnelle histoire du soir et pour que finalement chacun puisse aussi choisir ses livres préférés et les lire chez soi au calme …ou en compagnie de quelques voisins.
Je suis tombée sous le charme de cette communauté de voisinage où les familles nombreuses se rendent service, où enfants et parents partagent les mêmes plaisirs, où règnent entraide, communication, curiosité, imagination, agitation parfois et bonne humeur souvent ! Mais plus que dans les mots, ce sont les illustrations pleines de vie et de détails qui m’ont fait ressentir la richesse du climat qui règne au cœur de cette petite communauté.
Par-delà cette première raison d’enthousiasme, une seconde est au cœur du récit. Quand Vincent Elan se rend en ville à la bibliothèque, c’est tout un univers qu’il découvre : rayons remplis de livres jusqu’au plafond, lecteurs nombreux et passionnés, ambiance feutrée, conseils d’une bibliothécaire compétente et disponible, variété insoupçonnée de contes et de récits, plaisir et intérêt sur le visage de tous ces jeunes lecteurs venus seuls ou accompagnés de leurs parents…
Quant au succès général du bibliobus créé par Elan et les répercussions sur tout son entourage, Inga Moore ne fait que rendre mieux encore hommage à tous ces parents et professionnels qui s’investissent pour donner au livre et à la lecture leur place fondamentale auprès des enfants.
C’est avec un art particulier, non dénué d’humour parfois, qu’Inga Moore concilie une représentation plutôt réaliste des animaux de la forêt mais avec un aspect humanisé ; élans, ours, sangliers, renards, blaireaux… tous parfaitement reconnaissables, ces quadrupèdes se meuvent sur leurs pattes arrière tandis que les pattes antérieures deviennent habiles et expressives ; les visages extériorisent tout le registre des expressions : surprise, plaisir, bienveillance, étonnement, effort, rêverie, attention, concentration…
Le trait fin est d’une grande précision ; la représentation de la nature est minutieuse. On y ressent l’amour que lui porte l’illustratrice ainsi que sa chaleureuse bienveillance pour le vivant.
Chantal Cession