Frères Grimm, Philippe Dumas, La Reine des abeilles – MeMo 2025

Dans les années 1980, Philippe Dumas fut invité par Étienne Delessert et Rita Marshall à illustrer La Reine des abeilles des Frères Grimm dans le cadre de la magnifique collection « Il était une fois » – Grasset-Monsieur Chat – que tous deux dirigeaient. Faut-il rappeler que c’est dans cette collection que parurent tant de titres remarquables parmi lesquels Le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault illustré par les photos de Sarah Moon, Cendrillon de Charles Perrault illustré par Roberto Innocenti, Le Vaillant Petit Soldat de plomb de Hans Christian Andersen illustré par Georges Lemoine, ou encore Jacques et le haricot magique illustré par André François. Le titre fut repris par Grasset-Jeunesse en 2004, avec une nouvelle couverture et dans un format agrandi.

Épuisé depuis quelques années, La Reine des abeilles illustré par Philippe Dumas vient d’être réédité chez MeMo. Le conte met en scène trois frères…  des princes. Au cours d’un de leurs périples, tandis que les deux aînés sont prêts à se comporter méchamment, le cadet à la peau légèrement foncée, appelé l’Ingénu, s’oppose à ce qu’ils détruisent une fourmilière, tuent des canards, enfument un essaim d’abeilles sauvages pour s’emparer du miel.

« Laissez ces bêtes tranquilles, leur dit-il, elles ne vous ont rien fait et je ne supporterai pas que vous leur fassiez du mal. »

Ce soir-là, les jeunes gens, arrivés au pied d’un château ensorcelé, furent accueillis par un vieillard silencieux qui leur offrit le couvert et le gîte. Le lendemain, une  première épreuve, en vue du désenchantement des lieux, fut proposée à l’aîné. Qui la rata et fut transformé en pierre. À son tour, le deuxième des frères échoua et connut le même sort. L’Ingénu, quant à lui, releva le défi avec succès. Aidé par les fourmis qu’il avait sauvées, il rassembla les mille perles du collier de la princesse dispersées sous la mousse. Soumis à une deuxième puis une troisième épreuve qu’il réussit , il réveilla le château endormi, assisté par les canards puis par la Reine des abeilles qui lui montra quelle était la plus jeune et la plus jolie parmi les trois princesses ensommeillées qui « se ressemblaient absolument« . À la suite de quoi celle-ci devint son épouse.

Si la construction du conte est classique, les illustrations de Philippe Dumas ne le sont guère. Au lieu d’images qui figent l’histoire dans un passé de convention, l’auteur de Ce changement-là et du Convive comme il faut a confié à des enfants d’aujourd’hui le rôle des héros. Ils sont en basket et en short et ils s’amusent à rejouer dans le jardin d’une grande demeure les différents épisodes du récit. Philippe Dumas qui aime entrecroiser réel et imaginaire brouille les pistes. Voyez l’Ingénu dans son habit rouge. Voyez la princesse en sa robe de mariée, la chevelure ornée d’une couronne de fleurs. Voyez, de dos, les frères Grimm qui, derrière une grande fenêtre, observent discrètement le jeu des enfants.

Plutôt qu’une réédition, MeMo propose une nouvelle édition. Le format, à quelques millimètres près, est identique à l’original. Les illustrations sont celles de 1984 et la traduction celle d’Armel Guerne. La couverture est une reprise des trois princesses au lit, comme dans la version de 2004. Par contre, finie l’intégration du texte dans l’image, inséré avec préciosité dans un cartouche – une des caractéristiques de l’ensemble de la collection « Il était une fois ». Désormais, le texte est imprimé en pleine page face à des images à bords perdus, redécoupées, et dont la force et la beauté sont magnifiées par l’impression des couleurs aquarellées avec intensité sur lesquelles se détache le noir des traits tracés avec vigueur à l’encre de Chine. Et voilà le conte pourvu d’une nouvelle vitalité et d’une grande modernité !

Parallèlement MeMo réédite Colin et Pauline, texte d’Anne Trotereau, illustrations de Philippe Dumas. Et dans la collection  « Les Monographies », la maison nantaise publie Philippe Dumas – Morceaux choisis, l’occasion de découvrir de multiples originaux et de lire un long interview de l’artiste par Michèle Cochet.

Michel Defourny

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