On connaissait DADA comme revue familiale sur l’art, qui prétendait plaisamment toucher cent ans d’âge (« de 6 à 106 ans ») ! On fait aujourd’hui connaissance avec l’édition d’album jeunesse DADA. Grand format affublé d’un titre ambitieux, « Le Grand Inventaire de l’Art » est paru au début de l’automne 2018. Il est signé d’un trio féminin : Louise Lockhart pour les illustrations, Laetitia Le Moine pour les textes et Emilie Martin-Neute pour la constitution de l’inventaire. De nature encyclopédique, ce premier opus de l’édition DADA sera suivi d’un autre, plus aventureux si l’on en croit l’intitulé : « La Ruée vers l’Art ».
Premier constat, purement graphique : le « Grand Inventaire de l’Art » se pare de figures illustrées aux couleurs rose, jaune et bleu – le vert s’immisce de-ci de-là, par jeu de superposition. Considération historique et géographique à présent : il s’étale de la Préhistoire à l’art des plus actuels…dans la sphère occidentale. Autant dire que sur tant de milliers d’années, l’art ne s’est pas cantonné à des images peintes, sculptées et architecturées. Ce que révèle ce « Grand Inventaire » c’est que l’art s’est exprimé dans quantité de domaines autres, à travers de nombreux médias et divers outils – sont ainsi épinglés à l’inventaire le design, la mode, le théâtre, la photographie, la vidéographie, le cinéma, la bande dessinée, le dessin d’animation, le tatouage et la performance ; sont aussi notifiés comme matériaux le papier découpé, les végétaux et comme technique le dripping entre autres… L’intention féconde et dominante de l’ouvrage ne serait-elle donc pas de démocratiser le regard sur l’art ? Cette question se pose particulièrement en raison de la place considérable accordée par les auteures aux cent dernières années, révolutionnaires à plus d’un titre : l’art sort des temples, des églises, des châteaux, des musées et des galeries ; il s’expose dans la rue, à la campagne, sur une ruine, sur la peau ; il peut être clandestin, parodique, conceptuel ; il peut arborer une esthétique disparate et hors normes ; il questionne le genre, l’espace, la forme…
Vu sa visée de recensement et son large spectre, l’entreprise s’avérerait complexe et risquée. Alors pour donner sens et caractère à cette matière aux multiples entrées, pour offrir un panorama discipliné à ce sujet que l’on résumerait aisément par « l’art tous azimuts », les auteures ont organisé de manière claire et fluide l’ensemble, dans sa forme comme dans son contenu : d’abord un chapitrage chronologique (10 périodes sont traversées) ; ensuite un système d’éléments exploités par période traversée (portraits d’artistes, outils, techniques, motifs, objets, style,…) ; enfin une structure en binôme par période également (une trentaine de dessins composant l’inventaire artistique de chaque époque sur une double page, auxquels répond une scène illustrée de cette époque sur une nouvelle double page…et s’en suit un jeu de « cherche/trouve »).
« Le Grand inventaire de l’Art » est un album réjouissant et ludique, qui offre un regard généreux sur l’art…tout en produisant une volée de clins d’yeux amusants.
Brigitte Van den Bossche