L’Ours et le canard, May Angeli – Editions des Eléphants, 2019

Incroyable May Angeli qui ajoute un titre de plus à son étonnante bibliographie. Par-delà son œuvre d’illustratrice à La Farandole et chez le Père Castor, on admire  ses gravures sur bois réalisées pour les Histoires comme ça (1998) et pour Le Livre de la jungle (2009)  de Rudyard Kipling, aux éditions du Sorbier. On se souvient de son jaune éclatant qui faisait ressentir la chaleur tunisienne, à l’ombre d’un citronnier, à l’écoute de Qui de l’oeuf, qui du poussin ? (2004) conté par Muriel Bloch, chez Didier Jeunesse. On s’est amusé avec ses bruyantes onomatopées de Petites mésaventures dans la nature (2011), aux éditions du Seuil. L’on a partagé son admiration pour le naturaliste Buffon auquel elle a rendu hommage dans Des Oiseaux (2012) chez Thierry Magnier !

Sa maîtrise de la gravure sur bois permet à May Angeli d’enchanter ses lecteurs, qu’elle illustre un  auteur de renom, qu’elle écrive elle-même ses textes ou qu’elle s’en passe comme dans Oscar le coq (2009), chez Thierry Magnier. Son dernier album, L’Ours et le canard, enrichit le catalogue des Editions des Eléphants où elle a publié ces dernières années La Flaque (2015), Rita la poule veut un bébé (2016), Cache-Cache (2017), Bêtes en devinettes (2017), Caruso (2018) et La Boîte de peinture de Marcel Aymé (2018).

C’est ici l’histoire d’un canard qui rate son envol et qui, patatras, atterrit dans les broussailles, incapable de se débrouiller, tant il est mal arrangé. Que serait-il devenu si un vieil ours bien luné, malgré un réveil prématuré, ne l’avait secouru ? Grâce aux soins prodigués, le volatile peu supportable au début de cette histoire et quelque peu prétentieux, retrouva sa forme. Une amitié était née, des plaisirs furent partagés, des vantardises furent racontées… Jusqu’au moment où le canard, le bec levé, les ailes déployées, répondit à l’invitation des siens et décolla, non sans avoir promis qu’il reviendrait. L’ours délaissé regagna mélancoliquement sa tanière afin d’hiberner. Quelle ne fut pas sa surprise et sa joie, lorsque le printemps venu, il entendit à son oreille : « Allez debout, vieil Ours, c’est moi, je suis là ! »

Et tous deux, assis côte à côte, se mirent à se raconter mille et une choses.

A la linéarité narrative répond l’économie de moyens qu’impose la technique –gravure sur bois – dans laquelle excelle May Angeli, légère stylisation des formes, couleurs apparentées et en nombre réduit – ce qui renforce l’harmonie des images-, griffures qui confèrent tantôt du volume, tantôt du mouvement.

On ne se lasse pas d’épier l’ours qui, tout en conservant son animalité bourrue, communique, par ses poses et ses mouvements, ses sentiments et ses émotions : étonnement, affection, plaisir, tristesse, ravissement. On observe le canard, sa maladresse, son épanouissement. On s’interroge : à quoi suis-je davantage sensible ? A l’enchevêtrement de la broussaille, au vert des prés fleuris, aux éclaboussures des jeux dans l’eau, au rouge sensuel des baies, à l’intensité du bleu du ciel, à  la transparence de l’air ou à la profondeur de la nuit. ? Quant aux arbres, ils émerveillent : architecture de leurs  branches, rugosité de leurs écorces, nuances de leurs feuillages…

Chère Madame Angeli, on se réjouit déjà de découvrir votre prochain titre, du plaisir et de la beauté en perspective !

Michel Defourny

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