Mon bison, Gaya Wisniewski – MeMo, 2018

Elle n’avait que quatre ans lorsque sa maman, la soulevant dans ses bras, lui fit voir celui qui deviendrait son ami pour la vie.  Avec son corps trapu, son encolure massive, son épaisse fourrure, sa longue barbe, loin d’impressionner la fillette, le bison la fascina. Chaque jour, pour le rencontrer, elle retourna au même endroit. Une fois, il lui sembla qu’il lui disait : « Approche ! » C’est ainsi qu’il devint « son bison », après qu’ils se soient apprivoisés et qu’elle lui offrit des petits plats qu’elle avait cuisinés. Il y goûtait, par affection probablement, même s’il ne les appréciait guère. Un matin de printemps, répondant à l’appel de la nature, il partit rejoindre les siens, promettant de revenir l’hiver prochain. Ce qu’il fit. Tel est le début de l’histoire racontée par l’héroïne elle-même qui se souvient. Elle  nous entraîne au sein d’une grande forêt qui évoque pour moi celle de Bialowieza aux confins de la Pologne et de la Biélorussie. Si, par la suite, le ton de la narration ne change pas, en même temps que l’amitié entre les deux êtres s’épanouit en un véritable amour, le bison s’humanise comme par enchantement. Le voilà assis en train de converser, prêt à boire une tasse de thé (ou de café) face à son amie confortablement installée dans un grand fauteuil ou le voilà étendu, remplissant de sa masse un lit d’alcôve à la couleur bleutée. Dans la neige, blottis l’un contre l’autre, ils n’ont jamais eu froid. Avec le temps, ils sont devenus âgés, se réfugiant dans le passé de leur enfance, évoquant la présence de leur maman qui manque à chacun. Un hiver, le bison n’est pas revenu. Les recherches de sa vieille amie furent vaines. Mais lorsque ses larmes eurent séché, elle l’entendit dans son cœur. Il lui disait :

« Je serai dans chaque fleur
que tu découvriras au printemps,
dans chaque bruit de la forêt,
dans la caresse du vent,
dans chaque flocon qui tombera… »

Album émouvant… entre imaginaire et réalité, entre attachement et séparation, entre enfance et grand âge. Pour rendre palpable la fourrure du bison, pour nous faire pénétrer dans la forêt, pour souligner la proximité de la fillette et de l’animal, Gaya Wisniewski a utilisé le fusain, au noir duquel elle a mêlé quelques touches de blanc. Et de bleu aquarellé pour illuminer la page et pour traduire la magie du récit. Les qualités de narratrice et d’illustratrice de Gaya Wisniewski, dont Mon bison est le premier album, sont confirmées dans le second titre qu’elle vient de publier chez le même éditeur. On y retrouve, dans un paysage couvert de neige, Chnourka, une fillette qui vit en solitaire dans une maison au milieu des bois et qui attend la visite de ses amis avec lesquels partager les joies de l’hiver : Tomek, un bison costaud, Mirko un petit chat gourmand, impatient et aventurier, Emile, échassier blanc au long bec, et Zachary terriblement frileux, à l’allure de marmotte.

Michel Defourny

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