Bruno Heitz, L’Arrière-arrière-petit-fils de Barbe -Bleue – Le Genévrier 2020

Par-delà la fin des récits, nous ignorons ce qui est arrivé aux héroïnes et aux héros des contes. Tout au plus, répète-t-on, qu’ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants. De ceux-ci, nous ne saurons jamais rien. Connurent-ils la gloire ? Rencontrèrent-ils l’amour ? Quelle que soient leurs origines, princières ou populaires, comment réagirent-ils face aux épreuves du quotidien. Avec audace, courage, sagesse, entêtement ?

Il est heureusement des auteurs qui mènent des enquêtes. Bruno Heitz est de ceux-là. Merci Bruno !

Dans son dernier livre paru aux éditions du Genévrier, il se penche sur le sort de l’arrière-arrière-petit-fils de Barbe-Bleue. Le malheureux souffrait d’un insupportable handicap à la suite des forfaits de son arrière-arrière-grand-père. Pourtant, son portrait en couverture de l’album et ses apparitions au fil des pages montrent un personnage à l’allure bonhomme. Mais un détail inquiète : comme son ancêtre, il porte une énorme barbe bleue. Dès lors, tout le monde le fuit. Quelle insensée se risquerait à accepter une demande en mariage ?

Un jour, devant un verre de vin rouge, lors d’une conversation entre copains, le pauvre bougre écouta le conseil que lui donna l’arrière-arrière-petit-fils de l’Ogre du Petit Poucet. Pour mettre un terme à cette sombre affaire, qu’il achète tous les livres qui colportent « la fâcheuse légende » ! Puis qu’il s’en débarrasse. L’oubli ferait son œuvre. C’est ici que l’histoire s’emballe. Toutes les tentatives les plus ingénieuses et les plus folles échouèrent les unes après les autres. On n’en dira pas plus ! Sachez toutefois qu’à la suite d’un coup de théâtre et d’une peur bleue, les cheveux et la barbe du brave homme blanchirent soudainement. Devenu méconnaissable et semblable à un brave nain de jardin, une jeune femme l’épousa. Ce fut sa Blanche Neige, une bibliothécaire qui savait que jamais, au grand jamais les livres ne disparaissent. Dernière confidence : tous deux vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Comme dans Le petit chaperon gris et L’autre voyage d’Ulysse précédemment parus aux éditions du Genévrier, Bruno Heitz travaille le papier avec la dextérité qu’on lui connaît. Ses personnages silhouettés, composés de découpes, sont mis en scène avec humour puis photographiés. Peu de couleurs : du rouge pour un camion de pompier et la casquette d’un gamin, de l’orange pour une robe et des toitures, et surtout presqu’à chaque page des touches de bleu. Un bleu magnifique auquel l’album rend hommage. Le monde des contes est une aire de jeu pour Bruno Heitz qui multiplie les références dans ses images comme dans ses propos, une jubilation qu’il fait partager à ses lecteurs de tous âges.

Parallèlement, chez Casterman, Bruno Heitz et Dominique Joly retracent en BD l’histoire de Charlemagne. L’ « empereur à la barbe fleurie » y est bel et bien imberbe comme le supposent les historiens contemporains, contrairement à l’imagerie traditionnelle !

Michel Defourny

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