Odile Hennebert, Sucrer les fraises – CotCotCot 2023

En couverture, une dame âgée, un manteau rouge sur le dos se repose sur un banc, à l’ombre blanche d’un grand arbre. Sur un bandeau rouge, en lettres blanches, le titre de l’album : Sucrer les fraises dont le « i » est légèrement décalé. En lettres rouges sur le blanc de la page, le nom de l’autrice : Odile Hennebert. Au ras du sol, des points rouges parmi des feuilles : nous devinons qu’il s’agit de fraises bien mûres. Le livre au format 16,5 x 22 cm est paru aux éditions CotCotCot.

« Sucrer les fraises » pour chacun d’entre nous, c’est d’abord et banalement, au sens propre, saupoudrer de sucre des fraises fraîchement cueillies prêtes à être mangées. Mais, cette expression a également un sens figuré ou dérivé, moins connu peut-être. C’est une façon de désigner le grand âge et, par-delà, la sénilité caractérisée entre autres par des tremblements incontrôlés.

« Maintenant, voyez, j’ai cinquante-quatre ans et plus bon à rien, forcément. J’ai lâché mon métier de plombier, je tremble de partout, regardez mes mains, je sucre les fraises, les jambes qui grelottent, elles pèsent comme du plomb et à chaque instant la tête qui s’en va. Comment expliquez-vous ça ? » peut-on lire sous la plume de Marcel Aymé dans Le Passe-muraille. C’est à ce sens imagé quelque peu cruel dans son humour glacé que fait allusion la phrase qui, en quatrième de couverture, clôt l’album d’Odile Hennebert : « Les mains qui tremblent toutes seules, c’est pratique pour sucrer les fraises. »

Dans cet album, l’auteure-illustratrice entrecroise les deux significations de l’expression « sucrer les fraises ». D’une part, ses dessins au trait, avec par-ci par-là, de discrètes touches de vert, célèbrent les fraises et leur belle couleur rouge. Là, on les cueille. Là, un enfant en porte une à la bouche. Là, elles passent d’une main à une autre. Là, dans l’égouttoir, les voilà  sous le robinet avant d’être équeutées. Là, elles ont taché le bavoir d’un bébé. Là les marmites sont préparées pour la cuisson des confitures… que l’on étendra sur des tartines. Ici, par contre, c’est un gâteau à la fraise pour fêter l’anniversaire d’une centenaire… qui ne comprend rien à l’affaire puisque, prétend-t-elle, elle n’a que dix ans. Ces deux images et quelques autres dispersées au fil des pages font écho au texte de ce livre qui offre une plongée dans le quotidien de résidentes et résidents d’une maison de repos. Des bribes de leurs conversations font apparaître leurs préoccupations, leur désir de partir et de se retrouver chez soi ; leurs propos font ressentir leur nostalgie du temps passé ou encore actent le manque de disponibilité d’un personnel qui manque de temps. Tandis que leur mémoire bafouille, leur présent se traîne ponctué parfois par quelques ragots qui font sourire…

Odile Hennebert signe ici son premier album: un grand moment d’émotion.

Michel Defourny

 

 

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