Wong Kim Ark est né en 1873 à San Francisco. Ses parents venus de Chine avaient traversé l’océan Pacifique en espérant faire fortune en Californie. À l’époque, de nombreux Chinois avaient gagné les Etats-Unis. Beaucoup d’entre eux avaient travaillé à la construction du premier chemin de fer transcontinental, tandis que d’autres avaient ouvert des commerces, des restaurants ou étaient devenus fermiers. Attaché à sa terre natale, Wong Kim Ark qui avait toujours vécu à San Francisco se sentait Américain. Et lorsque son père et sa mère retournèrent au pays, il resta « chez lui », alors que de nombreux Californiens adoptaient un comportement agressif à l’égard des immigrés chinois. Au retour d’un périple au cours duquel il avait rendu visite à ses parents, les autorités lui refusèrent l’entrée sur le sol américain, prétextant qu’il était étranger et inassimilable, alors que ses papiers en règle prouvaient qu’il était américain. Il fut enfermé pendant quatre mois dans la cale d’un bateau. À la suite du procès qu’il intenta à la ville de San Francisco et qu’il gagna, il fut restauré dans ses droits, mais le gouvernement des Etats-Unis continua à s’acharner contre lui. Finalement l’affaire fut portée devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. S’appuyant sur le quatorzième amendement de la Constitution, après un an de débats, le 28 mars 1898, les six juges rendirent leur verdict. Chaque enfant né aux Etats-Unis est de fait un citoyen américain, quelle que soit la langue parlée par ses parents, quelle que soit son apparence, quelles que soient ses croyances. Pareille décision devait changer le cours de l’histoire. Wong Kim Ark quant à lui avait toujours su qu’il était citoyen américain.
Les illustrations très narratives de Julia Kuo restituent le décor et le climat de l’époque tandis qu’un dossier documentaire nourrit la réflexion. Voilà un album bien venu au moment où les enfants d’immigrés font l’objet de discrimination et de racisme, alors qu’ils sont nés et ont grandi chez nous.
Michel Defourny